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Portrait de Hamadi Jebali, le visage « modéré » d'Ennahdha
13/12/2011 | 1
min
Portrait de Hamadi Jebali, le visage « modéré » d'Ennahdha
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Regard assuré derrière ses lunettes aux montures fines, sourire indélogeable, barbiche blanche et «tabaâ» sur le front, marque de «piété» et d’assiduité dans la prière, Hamadi Jebali se veut «rassurant» et «pragmatique», à l’image d’un «islamisme éclairé».

Le secrétaire général du parti Ennahdha sera, demain, intronisé chef du gouvernement. Une revanche historique sur une période obscurantiste de la Tunisie qui a fait des islamistes son bouc émissaire. Des années de torture, d’emprisonnement et d’isolement font aujourd’hui la personnalité de l’homme. Un personnage certes serein, mais dont les blessures sont enfouies, profondément.
Seize années et demie en prison, dont dix dans un isolement total. Dans sa cellule de deux mètres sur trois, l’homme fut privé de tout contact humain, de lectureet même de Coran. Il avait pour compagnon une unique feuille de papier, seule fenêtre sur le monde extérieur dont il se servait pour communiquer avec sa femme et ses filles. Le calvaire d’une famille qui devait subir l’indiscrétion des gardiens, espionnant leurs moindre lettres ou conversations. Cet ingénieur fabriquait même des petits cadeaux à sa famille, taillés dans des savonnettes, que les gardiens s’amusaient à lui confisquer.

Une oppression totale et cruelle qui peut aussi « beaucoup apprendre », voire « qui structure », selon Hamadi Jebali. Une période qui marque un homme et le conduit à repenser ses engagements.
L’expérience de la prison, les nahdhaouis l’ont vécue dans leur chair pendant des années, accusés d’ «appartenance à des mouvements illégaux » ou même de « complot visant à changer la nature de l’Etat ». Le parti s’est retrouvé dans un état dedélabrement total « traversé par une pluralité d’opinions politiques et intellectuelles » [dixit Hamadi Jebali]. Cette période sombre a, en effet été, « un héritage lourd, avec des problèmes complexes aux niveaux psychologiques, sociaux et familiaux ».
Il est certain que les militants d’Ennahdha ont évolué et ont revu leurs stratégies. Certains davantage que d’autres.
La prison, Hamadi Jebali l’a connue enfant. Son père, yousséfiste invétéré, avait été arrêté et mis en prison. La lutte du père, « opprimé par le joug de la dictature» a réveillé en l’homme le sens du patriotisme et l’élan nationaliste arabe. Loin de se douter qu’il sera, lui-même, un jour victime des régimes de Ben Ali et de Bourguiba.

Né à Sousse, en octobre 1949, Hamadi Jebali a commencé son parcours de militantisme durant ses années d’étude à Paris. Avec l’ambition de « servir son pays » et de décrocher son diplôme. Ses années d’études lui ont permis de rencontrer des personnalités telles que Moncef Ben Salem ou encore, Rached Ghannouchi auquel il succèdera à la présidence du parti de 1981 à 1984.
Il connaitra l’exil plus tard, en France en 1982 et en Espagne en 1987, à cause de ses actions militantes dans le MTI (ancêtre d’Ennahdha).
La première incarcération de Hamadi Jebali a eu lieu en 1991, alors qu’il était directeur du journal « Al Fajr », suite à la publication d’un article sur les tribunaux militaires jugé « diffamatoire ». Il fait l’objet d’une nouvelle peine, à l’occasion de la vague de répression anti-islamiste menée par Ben Ali, et écope de 16 ans de prison. Il sera gracié en 2006, suite à trois grèves de la faim.
Ceux qui connaissent Hamadi Jebali le considèrent comme un « homme populaire ayant, au sein du parti, la réputation d’être un homme d’écoute et de dialogue ». Un homme tourmenté, au passé trouble et dont certains iraient jusqu’à accuser des attentats de Sousse et de Monastir. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et Hamadi Jebali est aujourd’hui nommé chef du gouvernement. Mais les mêmes questions restent posées…

Malgré le discours séduisant de l’homme, force est de constater que la mue est cependant loin d’être achevée. Pour un parti qui se veut « comme les autres » et qui ne prône pas l’application de la chariâ, Hamadi Jebali ne manque pas de déclarer : « Que ce soit bien clair […] Ennahdha n’autorisera pas l’illicite édicté par Dieu et n’interdira pas le licite » tout en déclarant que « notre société et notre jeunesse n’acceptent plus la dictature, même si elle porte les habits de l’Islam… ».
Le discours séduisant de l’homme comporte donc certaines zones d’ombre.
Certains l’accuseront de double langage, rabâchant un vieux constat usé et abusé et que le parti s’efforce de contredire.D’autres déclarent que Hamadi Jebali est « le représentant d’une tendance moderne et modérée mais demeurant minoritaire et qui ne pèsera pas lourd lors des grandes prises de décision. »

Aujourd’hui, alors que Rached Ghannouchi renonce à se présenter à tout poste de pouvoir - mais continue à jouer un rôle conséquent dans les coulisses -Hamadi Jebali se retrouve investi de la lourde mission d’assurer la cohésion de l’ensemble du mouvement mais d’être également, aux yeux de tous, la vitrine séduisante d’un parti aussi controversé et qui n’a pas encore réussi, loin s’en faut, à avoir la confiance de tous lesTunisiens. Autant de défis majeurs auxquels Tunisiens inquiets et communautés internationales sceptiques restent attentifs…

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